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WIPO-UDRP Decision
DCH2005-0026

Case number
DCH2005-0026
Complainant
Edipresse Publications SA
Respondent
Florian Kohli
Panelist
Imhoos, Christophe
Affected Domains
Status
Closed
Decision
Cancellation
Date of Decision
04.01.2006

Centre darbitrage et de mdiation de lOMPI

DCISION DE L’EXPERT

Edipresse Publications SA contre Florian Kohli

Litige n DCH2005-0026

1. Les parties

La requrante est Edipresse Publications SA, ayant son sige Lausanne, Suisse.

L’intim est Florian Kohli, domicili Genve, Suisse.

2. Le nom de domaine

Le diffrend concerne le nom de domaine <matin-bleu.ch>.

3. Rappel de la procdure

La requrante a dpos une demande auprs du Centre d’arbitrage et de mdiation de l’Organisation Mondiale de la Proprit Intellectuelle (ci-aprs dsign le “Centre”) sous forme lectronique le 14 novembre 2005 et par voie postale le 16novembre2005. Par cette demande, elle conclut l’extinction du nom de domaine en cause et qu’un expert soit nomm au cas o aucune conciliation ne serait effectue ou qu’elle chouerait.

En date du 15 novembre 2005, le Centre a adress une requte au registre SWITCH (ci-aprs le “registre”) aux fins de vrification des lments du litige, tels que communiqus par la requrante. En date du 16 novembre 2005, le registre a confirm que la partie adverse est bien le titulaire du nom de domaine, a transmis les coordonnes des contacts administratif, technique et de facturation et a confirm que les Dispositions relatives la procdure de rglement des diffrends pour les noms de domaine “.ch” et “.li” (ci-aprs les “Dispositions”) adoptes par SWITCH, registre du “.ch” et du “.li”, taient applicables au nom de domaine objet du diffrend.

Le Centre a vrifi que la demande rpond bien aux exigences des Dispositions.

Conformment au paragraphe 14 des Dispositions, le 23 novembre 2005 une transmission de la demande, valant ouverture de la prsente procdure, a t adresse l’intim. Conformment au paragraphe 15(a) des Dispositions, le dernier dlai imparti l’intim pour faire parvenir une rponse tait le 13 dcembre 2005.

La rponse de l’intim est parvenue au Centre le 12 dcembre 2005.

Les parties la prsente procdure ne se sont pas accordes sur la tenue d’une ventuelle audience de conciliation de sorte que, la demande du Centre, la requrante a requis la poursuite de la procdure le 13 dcembre 2005.

En date du 21 dcembre 2005, le Centre a nomm comme expert dans le prsent diffrend Christophe Imhoos, avocat Genve, qui avait adress au Centre une dclaration d’acceptation et une dclaration d’impartialit et d’indpendance, conformment au paragraphe 4 des Dispositions. L’expert soussign a rendu sa dcision dans les dlais impartis.

4. Les faits

Le 26 juillet 2005, la requrante a enregistr les noms de domaine <matinbleu.ch> (Annexe 2, requrante) et <lematinbleu.ch> (Annexe 1, intim) dans le cadre du projet de lancement de son quotidien gratuit “Le Matin Bleu”.

En date du 14 septembre 2005, la requrante a dvoil, par communiqu de presse, le nom du nouveau quotidien gratuit (Annexe 3, requrante).

Suite ce communiqu de presse, la nouvelle est parue dans les mdias le 15 septembre 2005 (Annexe 4, requrant).

Le 17 septembre 2005, l’intim a enregistr le nom de domaine <matin-bleu.ch> (Annexe 1, requrante).

Entre cette date et au plus tard le 25 octobre 2005, la requrante indique avoir dcouvert l’existence du nom de domaine contest, l’intim ayant activ ledit nom de domaine et ayant ainsi fait aboutir les internautes cherchant <matinbleu.ch> sur un site d’avis ncrologiques appartenant cette dernire, savoir <deces.ch>.

Le 21 septembre 2005, la requrante a dpos une demande d’enregistrement de la marque “LE MATIN BLEU”. Le 28 septembre 2005, la division des marques de l’Institut fdral de la proprit intellectuelle a mis un certificat de dpt pour la demande d’enregistrement en question (Annexe 5, requrante).

5. Argumentation des parties

A. Requrante

La requrante invoque les droits de dfense rsultant des articles 2, 3 lit. d et 9 al. 1 de la loi fdrale contre la concurrence dloyale (ci-aprs “LCD”).

Elle estime qu’il existe un risque manifeste de confusion entre le nom de domaine litigieux <matin-bleu.ch> et celui dont elle est titulaire, <matinbleu.ch>. Au surplus, la dsignation “Matin Bleu” constitue un lment descriptif si bien que son utilisation pour le nom de domaine contest est propre provoquer des confusions.

En effet, l’utilisateur moyen d’Internet s’attend trouver sous le nom de domaine <matin-bleu.ch> des informations relatives la nouvelle publication dite par la requrante, savoir le quotidien “Le Matin Bleu”; l’intim exploite ainsi la rputation de la requrante en attirant sur son site web des utilisateurs qui cherchent obtenir des informations relatives au quotidien en question, de l’avis de la requrante. Cette dernire argue, cet gard, qu’il est sans importance que le contenu du site cr par la partie adverse n’ait rien voir avec la requrante. Il y a, selon elle, dtournement manifeste de clientle par un comportement dloyal qui contrevient aux rgles de la bonne foi et qui est propre influer sur les rapports avec ses clients.

La requrante entend ds lors faire cesser l’atteinte subie et demande ce que le nom de domaine contest “fasse l’objet d’une extinction” (ch. IV. p. 3 de la demande).

B. Intim

L’intim expose pralablement que la notification du Centre de la demande avec pices valant ouverture de la prsente procdure n’est intervenue de manire complte qu’en date du 25 novembre 2005 par la rception de la demande signe. Il constate galement que la requrante se borne rclamer l’extinction du nom de domaine contest, sans en demander le transfert, alors qu’elle aurait du scuriser son nom de domaine et en rserver d’autres similaires, tels <le-matin-bleu.ch>, <le-matinbleu.ch>, <lematin-bleu.ch> ou encore <bleumatin.ch> et <bleu-matin.ch>.

Il souligne que <matinbleu.ch> est subsidiaire <lematinbleu.ch>, noms de domaine enregistrs simultanment par la requrante, attendu qu’une dviation automatique a t effectue de <matinbleu.ch> sur <lematinbleu.ch>, que la requrante a dpos une demande d’enregistrement de la marque “LE MATIN BLEU” et non “MATIN BLEU” et qu’elle affiche en premire page de son titre (Annexe 2, intim) la mention “www.lematinbleu.ch”.

L’intim soutient que si l’annonce publique du nouveau titre “LE MATIN BLEU” a t faite en date du 15 septembre 2005, la requrante ne pouvait toutefois pas imposer cette date comme tant la premire source d’information accessible au public car, jusqu’au 30octobre 2005, le service WHOIS de SWITCH permettait toute personne ayant pu avoir le dessein de nuire au nouveau titre de la requrante d’entrer le mot “edipresse”comme mot-cl dans le moteur de recherche WHOIS de SWITCH, et de deviner parmi le choix propos quel pouvait tre le nom de ce nouveau titre, soit ds l’enregistrement du nom de domaine auprs de SWITCH, le 26 juillet 2005.

L’intim dplore que la requrante n’ait aucun moment essay d’entrer en contact avec elle pour se renseigner sur ses intentions relles, contrairement aux rgles de la bonne foi poses par la LCD.

L’intim allgue qu’ l’origine il avait enregistr en attente le nom de domaine <robusto.ch> en avril 2005 et dpos la marque verbale “ROBUSTO”, destine une activit horlogre pour les classes 14 et 18, laquelle a t ultrieurement admise l’enregistrement par les autorits comptentes (Annexes 4 et 5, intim). De mme, elle confirme avoir enregistr, en attente, le nom de domaine contest, destin prsenter une srie de montres de la gamme “Matin-Bleu” de la marque ROBUSTO. L’intim prcise que ses deux noms de domaine “en attente” ont t dvis “sans raison particulire” par lui sur l’un de ses sites Internet actif, en l’occurrence <deces.ch>.

L’intim poursuit en exposant qu’un mandataire de la maison MINERVA AG est entr en contact avec lui dans le but d’obtenir le nom de domaine <robusto.ch> en vue de la construction d’un nouveau site Internet ax sur une gamme de chaussures “ROBUSTO” (Annexe 6, intim); vu l’offre infrieure aux dpenses dj effectues pour l’enregistrement du nom de domaine, la recherche de similarit de marques et le dpt de la marque auprs de l’Institut fdral de la proprit intellectuelle, le nom de domaine ne lui a pas t cd et l’intim prcise que <robusto.ch> sera dvolu, comme initialement prvu, au site Internet d’une nouvelle marque horlogre.

L’intim conclut sur ce point, en rfrence l’affaire <robusta.ch>, que la requrante aurait du adopter la position de la maison MINERVA AG, empreinte de dialogue et comprhension, et se dclare prte, tout en souhaitant conserver le nom de domaine litigieux, annuler la dviation faite sur le site <deces.ch>.

L’intim prcise encore que si la diffusion massive des deux mots “matin” et “bleu” partir du 15 septembre 2005 a certainement contribu dclencher l’ide deux jours plus tard d’une gamme de la marque ROBUSTO, cette contribution aurait tout aussi bien pu se faire la lecture d’une posie de Charles CROS de 1873 voquant “le matin bleu”.

L’intim souligne enfin que le contenu prvu du site relatif au nom de domaine litigieux et sa dviation ne traduisent aucunement une intention de nuire au requrant dont le domaine d’activit est tout autre.

Au fond, l’intim conteste l’existence d’un droit attach un signe distinctif revendiqu par la requrante au motif que l’enregistrement de la marque LE MATIN BLEU n’tait pas ralis au moment de l’enregistrement du nom de domaine contest, les moluments d’enregistrement n’ayant pas encore t rgls (cf. Annexe 5, requrante) et que la notorit relle du titre LE MATIN BLEU n’est ni acquise, ni mme tablie, l’annonce d’un nouveau produit ne suffisant pas elle seule. L’intim argue par ailleurs que la requrante aurait du prter d’avantage d’attention l’importance d’enregistrer des noms de domaine similaires comme elle l’avait prcdemment fait pour son titre LE MATIN (cf. Annexes 8 et 9, intim). Enfin, le principe du premier arriv, premier servi commandait aussi de laisser l’intim ce que la requrante n’a pas voulu pour elle.

En n’ayant enregistr aucun autre nom de domaine similaire au nom de domaine contest entre le 26 juillet et 1er dcembre 2005 dans le cadre du lancement de son nouveau titre LE MATIN BLEU, le requrant n’a pas manifest l’intention de se protger en les rservant comme premier arriv et premier servi, ce qui lui aurait cot moins cher que la prsente procdure sans mme qu’elle ne vise au transfert du nom de domaine incrimin. De l’avis de l’intim, le requrant a pris le risque de laisser aux tiers l’accs aux noms de domaine similaires celui enregistr par elle, ainsi qu’ la possibilit de dposer la marque LE MATIN BLEU, du moins entre les 15 et 21septembre 2005. L’intim nie ainsi que l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine objet du diffrend constitue une infraction un droit attach un signe distinctif attribu la requrante selon le droit suisse.

Sur la base de ce qui prcde, l’intim conclut au rejet de la demande prsente par la requrante.

6. Discussion et conclusions

A. Questions procdurales

En ayant argu que la notification de la demande n’a t complte qu’en date du 25novembre 2005 (cf. supra), l’intim ne semble toutefois pas vouloir se plaindre d’un quelconque vice de procdure.

Il sied de rappeler ce propos que les paragraphes 14(c) et 6(a) des Dispositions prvoient que le jour de l’ouverture de la procdure est le jour o l’organe de rglement des diffrends (le Centre) transmet la demande la partie adverse aux coordonnes postales et de fax, et, si elle existe, l’adresse e-mail, telles que communiques par le registre par rapport au nom du dtenteur du nom de domaine considr. Selon le paragraphe 15(a) des Dispositions, l’intim doit dposer sa rponse la demande auprs du Centre dans les vingt jours civils “ compter du jour d’ouverture de la procdure”. Il n’est ds lors pas dterminant que l’intim ne reoive qu’ultrieurement la demande formelle par voie postale.

En tout tat de cause, l’intim a rpondu dans le dlai qui lui a t fix et ne se plaint pas de ne pas avoir eu le temps suffisant pour rpondre la demande.

L’intim a par ailleurs soulign avec insistance que la requrante s’est borne ne rclamer que l’extinction du nom de domaine en litige.

D’aprs le paragraphe 24(b) des Dispositions, l’expert peut prononcer uniquement l’extinction ou le transfert du nom de domaine, ou rejeter la demande, selon la demande en justice formule. L’expert est li par les conclusions prises par le requrant dans la mesure o celles-ci sont conformes aux Dispositions.

Tel tant bien le cas en l’espce, l’expert prononcera soit l’extinction du nom de domaine <matin-bleu.ch>, soit rejettera la demande aprs examen des allgus de fait et de droit des parties sur la base des documents crits dposs par elles, conformment au paragraphe 24(a) des Dispositions.

B. Questions de fond

Conformment au paragraphe 24(c) desdites dispositions, l’expert fait droit la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine contest constitue clairement une infraction un droit attach un signe distinctif attribu au requrant selon le droit suisse.

Selon le paragraphe 24(d) des Dispositions, il y a clairement infraction un droit en matire de proprit intellectuelle notamment lorsque :

i. aussi bien l’existence du droit attach un signe distinctif invoqu que son infraction rsultent clairement du texte de la loi ou d’une interprtation reconnue de la loi et des faits exposs, et qu’ils ont t prouvs par les moyens de preuve dposs; et que

ii. la partie adverse n’a pas expos et prouv des raisons de dfense importantes de manire concluante; et que

iii. l’infraction, selon la demande en justice formule, justifie le transfert ou l’extinction du nom de domaine.

Une dcision de transfert ou d’extinction du nom de domaine n’est prise que si elle se justifie d’vidence; compte tenu de la nature des rgles en cause, laquelle limite srieusement les moyens d’instruction disposition de l’expert, cette vidence doit s’imposer rapidement et non pas suite un examen laborieux; s’il doute, l’expert devra renoncer un examen approfondi, limit qu’il est dans ses moyens d’instruction et cela mme si son intuition lui suggre le contraire; le doute profite l’intim (cf. Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige NDCH2004-0010; Zurich Insurance Company, Vita Lebensversicherung-Gesellschaft c. Roberto Vitalini, litige NDCH2005-0012; I-D Media AG c. Id-Mdia Srl, litige N DCH2005-0018).

a. La requrante a-t-elle un droit attach un signe distinctif selon le droit suisse ?

1. Droit des marques

La requrante a dpos une demande d’enregistrement de la marque “LE MATIN BLEU” dont un certificat de dpt lui a t tabli en date du 28septembre 2005 par l’autorit comptente, la date du dpt retenue tant celle du 21septembre 2005 (Annexe 5, requrante).

L’intim conteste les effets du dpt au motif que les taxes prescrites n’auraient pas t payes.

En effet, l’article 30 alina 2 lit. b de la loi fdrale sur la protection des marques nonce que la demande d’enregistrement est notamment rejete si les taxes prescrites n’ont pas t payes. Toutefois, l’intim n’apporte pas de manire concluante la preuve que l’enregistrement en question aurait t rejet par l’Institut fdral de la proprit intellectuelle, en particulier en raison du non-paiement des taxes.

Quant l’absence allgue de notorit de la marque MATIN BLEU, l’expert constate que le journal parat quotidiennement depuis le 31 octobre 2005 sous la marque en question de manire visible en Suisse romande. L’intim ne saurait ds lors prtendre qu’elle n’est pas acquise, la requrante ne s’tant pas limite la simple annonce du lancement du titre en question.

Jusqu’ preuve du contraire, ce stade de la procdure d’enregistrement de la marque MATIN BLEU, la requrante en est le titulaire de droit.

2. Droit des raisons sociales

La requrante n’est pas en mesure d’invoquer la protection accorde par le droit des raisons sociales (articles 956 et sv. du Code des Obligations) dans la mesure o sa raison sociale n’incorpore pas la marque MATIN BLEU.

3. Droit au nom

Par identit de motifs ceux voqus pour le droit des raisons sociales, la requrante ne peut bnficier de la protection accorde par l’article 29 du Code Civil qui protge les personnes morales contre toute usurpation de leur nom susceptible de leur causer un prjudice.

4. Droit de la concurrence dloyale

La requrante invoque la protection de la LCD (cf. supra). A juste titre. Le dtenteur d’une marque valable peut galement bnficier de la protection de cette loi (cf. ATF 127 III 33, 38 “Brico”).

La requrante a par consquent un droit attach un signe distinctif selon le droit suisse, conformment au paragraphe 24(d)(i) des Dispositions.

b. Le nom de domaine de l’intim bnficie-t-il d’une protection par le droit des signes distinctifs ?

Le 17 septembre 2005, soit trois jours - au plus tard s’il est possible d’admettre que le nom du titre tait disponible ds le 26 juillet dj, comme le soutient l’intim - aprs que la requrante ait lanc sa campagne de presse pour informer le public du lancement de son nouveau titre “LE MATIN BLEU”, l’intim a enregistr “en attente” le nom de domaine en cause, tout comme le nom de domaine <robusta.ch> ainsi que la marque “ROBUSTO” attache cette dernire pour une activit horlogre (Annexes 1 et 3, requrante; Annexes 4 et 5, intim).

Toutefois, contrairement <robusta.ch>, l’intim n’a pas enregistr de marque sous “MATIN BLEU”, ni mme d’ailleurs ne prtend une quelconque antriorit sur la marque dpose par la requrante. Pas plus qu’il n’allguerait avoir pris, pour lui-mme ou des tiers, des mesures pour crer l’entreprise imagine et la faire connatre. Il n’a pas non plus enregistr de raison sociale. Bien au contraire, l’intim, de son propre aveu, admet avoir dvi le nom de domaine litigieux sur un site sans rapport avec ses intentions dclares.

Enfin, s’agissant d’un nom de fantaisie qui ne caractrise pas l’intim, celuici ne peut revendiquer de droit au nom. Il ne bnficie d’aucune priorit d’usage lui permettant ventuellement d’invoquer la LCD (cf. Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige NDCH2004-0010 prcit).

L’expert constate au vu de ce qui prcde que l’intim n’a aucun droit prfrable relevant des signes distinctifs sur le nom de domaine en cause.

c. L’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine constitue—t-il clairement une infraction un droit attach un signe distinctif attribu la requrante selon le droit suisse ?

Le titulaire d’un signe distinctif peut en revendiquer l’exclusivit dans la mesure o il y a confusion. D’aprs le Tribunal fdral suisse, le risque de confusion est identique pour tout le droit des signes distinctifs (ATF 126 III 239, 245 “berneroberland.ch”; ATF 128 III 401, 403 “luzern.ch” cits in Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige N DCH2004-0010, idem).

De faon gnrale, la partie qui ne dispose d’aucune protection particulire au sens du droit des signes distinctifs sur le nom de domaine en cause, se doit de prendre les mesures idoines pour que le nom de domaine qu’il a enregistr se distingue suffisamment du signe distinctif appartenant la requrante, soit d’un signe distinctif protg de faon absolue (ATF 128 III 353, 358 “Montana”; ATF 126 III 239, 244; arrts cits in Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige NDCH2004-0010).

En l’espce, le risque de confusion est tabli et mme admis par l’intim qui reproche la requrante de ne pas avoir pris de prcaution cet gard; l’intim en inverse l’incombance. Il n’est d’ailleurs pas pertinent ce propos que la requrante ne se soit pas entirement prmunie en retenant toutes les variantes “orthographiques” possibles de son nom de domaine, la loi ne le lui imposant pas.

C’est l’intim lui-mme qui n’a pris aucune mesure pour se distinguer du signe appartenant la requrante, les signes en cause tant quasi-identiques, abstraction faite de l’article “le” et du tiret sparant “matin” de “bleu”.

Compte tenu du fonctionnement des noms de domaine, l’utilisation d’un nom de domaine de second niveau confre l’utilisateur un monopole de fait, lequel cre ipso facto un risque de confusion. Le dtenteur lgitime du signe protg est empch de faire le commerce de ses produits par Internet, par le simple fait de l’enregistrement du nom de domaine en cause. Ce n’est en effet pas le contenu du site qui doit tre considr, mais le nom de domaine en cause d’une part et le signe distinctif revendiqu d’autre part (arrt du Tribunal fdral du 19mai2003, 4C.377/2002, c.2.2 “T-online, tonline.ch”, sic! 10/2003 p. 822, 823; arrt du Tribunal fdral du 7 novembre 2002, “djbobo.ch”, sic! 5/2003 p. 438, 442; arrts cits in Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige NDCH2004-0010).

L’expert constate tre non seulement en prsence d’une violation claire du droit des marques de la requrante au signe distinctif “LE MATIN BLEU” mais aussi et surtout d’une violation de la LCD.

Selon l’article 3 alina 2 lit. d LCD agit de faon dloyale celui qui prend des mesures qui sont de nature faire natre une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d’autrui. Le comportement dloyal peut aussi dcouler de la clause gnrale figurant l’article 2 LCD, mais seulement en prsence de circonstances particulires (ATF 116 II 365; cf. aussi Zurich Insurance Company, Vita Lebensversicherung-Gesellschaft c. Roberto Vitalini, litige N DCH2005-0012 prcit). L’article 2 LCD prvoit en particulier qu’est dloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de tout autre manire aux rgles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.

En l’espce, la confusion est tablie : l’examen du nom de domaine incrimin avec le signe distinctif de la requrante donne clairement l’impression errone qu’il existe un lien entre les deux (cf. ATF 116 II 463). D’autre part, l’expert peine constater un enregistrement et un usage de bonne foi de <matin-bleu.ch> par l’intim. De son propre avis, les explications fournies par l’intim ne sont gure convaincantes quant la gense du nom de domaine en question. De plus, il est troublant de constater, teneur de l’argumentation dveloppe par l’intim, qu’il est coutumier dans la pratique d’achat de noms de domaine qu’il met ensuite “en attente” sous divers prtextes. On peut srieusement douter de la bonne foi de l’intim lorsqu’il voque la rfrence au pote Charles CROS en guise de justification possible ou mentionne des projets non tays par des lments ayant force probante.

Quant au prtendu manque de bonne foi de la requrante qui aurait du prendre contact pralablement avec l’intim du point de vue de cette dernire avant d’entamer la prsente procdure, l’expert constate que les Dispositions n’imposent pas la requrante de telles dmarches pralables. D’autre part, celles-ci n’auraient pas t vraiment utiles voire ncessaires dans la mesure o l’intim a clairement fait savoir qu’il entendait conserver le nom de domaine litigieux.

En conclusion, l’expert constate une violation claire des droits au signe distinctif appartenant la requrante sans que l’intim n’ait expos et prouv des raisons de dfense importantes de manire concluante selon le paragraphe 24(c) et (d)(i) et (ii) des Dispositions. Une telle violation justifie l’extinction sollicite du nom de domaine selon les paragraphes 24(b) et (d)(iii) des Dispositions.

7. Dcision

Pour les raisons nonces ci-dessus et conformment au paragraphe 24 des Dispositions, l’expert ordonne l’extinction du nom de domaine <matin-bleu.ch>.

Christophe Imhoos
Expert

Le 4 janvier 2006